Guinée : les droits à la santé sexuelle et reproductive, la planification familiale, des défis face à certains pesanteurs

Article : Guinée : les droits à la santé sexuelle et reproductive, la planification familiale, des défis face à certains pesanteurs
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18 mars 2024

Guinée : les droits à la santé sexuelle et reproductive, la planification familiale, des défis face à certains pesanteurs

Crédit : Wikimédia Auteur : MONUSCO Photos

En matière de santé sexuelle et reproductive,  la Guinée fait face à d’énormes défis. Les pesanteurs socio-culturels, religieux, économiques et même légaux font que l’accès aux soins de santé de qualité notamment la planification familiale demeure une véritable préoccupation pour les citoyens,  notamment les femmes, dont le taux de mortalité maternelle et infantile reste élevé, sans parler de la prévalence des infections sexuellement transmissibles, notamment le VIH/SIDA. A travers cet article donc, nous explorons les droits à la santé sexuelle et reproductive, les difficultés liées à leur promotion en Guinée et la position de la religion musulmane vis-à-vis de la planification familiale plus particulièrement. Nous évoquerons également quelques pistes de solutions pour favoriser la promotion des DSSR en Guinée.

Mais, c’est est quoi la santé sexuelle et reproductive ?

Selon l’OMS, « la santé reproductive implique que toute personne peut avoir une vie sexuelle responsable, satisfaisante, et sûre et qu’elle a la capacité à se reproduire et la liberté d’avoir des enfants si elle le souhaite et quand elle le désire.».

La même organisation définit la santé sexuelle comme un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en matière de sexualité, ce n’est pas seulement l’absence de maladie, de dysfonctionnement ou d’infirmité. »

La santé sexuelle et reproductive fait donc partie intégrante du droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental possible.

Les droits à la santé sexuelle et de la reproduction en Guinée et défis

En Guinée, la promotion des droits à la santé sexuelle et de la reproduction se heurte à des obstacles majeurs et à plusieurs niveaux notamment sociétal, structurel, judiciaire et administratif. Ces droits sont , entre autres, ceux liés à l’accès à la planification familiale, ils sont également liés à beaucoup d’autres droits fondamentaux, notamment le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit à la santé, le droit au respect de la vie privée, le droit à l’éducation et l’interdiction de la discrimination.

Quelles sont les dispositions mises en place en faveur des DSSR ?

Crédit : Wikimédia Auteur : Shoar2

Plusieurs politiques, mécanismes et textes de lois sont adoptés au niveau national et sous régional afin de contribuer à faire de l’accès aux droits à la santé sexuelle et de reproduction une réalité. Parmi ces programmes, on peut citer le code de l’enfant, la politique nationale de promotion du genre, les lois sur la lutte contre le viol et les mutilations génitales féminines.

Sur le plan sous-régional et international, nous avons la déclaration universelle des droits de l’homme, le protocole de Maputo, la conférence internationale sur la population et le développement, le partenariat de Ouagadougou etc.

Des institutions comme l’UNICEF, le fonds des nations-unies pour la population, le ministère de la jeunesse, le ministère de l’action sociale, de la femme et des personnes vulnérables et l’organisation mondiale de la santé contribuent sur plusieurs fronts à rendre effective l’accès aux DSSR en Guinée malgré les défis énormes.

Au niveau local, plusieurs organisations de la société civile et des centres de conseils d’informations et d’orientation pour jeunes sont engagées dans la promotion des droits à la santé sexuelle et reproductive des jeunes et des femmes par exemple, mais le constat n’est pas encore reluisant à ce jour. Pour preuve, les cas de viol, de mortalité néonatales et infantiles, les grossesses non désirées, les IST/VIH/SIDA, l’excision ne font que prendre de l’ampleur. Selon plan international, la Guinée est le 2ème pays le plus touché par l’excision. En effet, 97 % des femmes de 15 à 49 ans sont excisées (PLAN INTERNATIONAL). Selon Hadja Idrissa Bah, lauréate du prix liberté en 2023, « La situation des femmes en Guinée est déplorable avec un taux de 96% des jeunes filles qui sont excisées et 50% des jeunes filles qui sont mariées de force et de façon précoce »(France TV Info). Toutes ces réalités mettent en relief le défi énorme lié à la promotion des DSSR en République de Guinée.

Qu’en est-il de l’accès à la planification familiale plus particulièrement?

En Guinée moins de 15% de filles et femmes utilisent des méthodes de planification familiale. La situation n’est pas reluisante, et cela est pour la plupart causé par les stéréotypes et fausses idées de la société vis-à-vis de la pratique et les positions conservatrices de la communauté. Les pratiquantes de la PF sont souvent perçues comme des adeptes de l’infidélité, de la prostitution ou encore comme des ennemis de la religion. Il y a également le manque d’information fiable et adéquate, la crainte des effets secondaires, l’influence négative de certains hommes et l’analphabétisme qui font obstacles à la vulgarisation des méthodes et moyens de contraception.

Selon Today’s Women International Network/RIFA), 55% des centres de santé en Guinée n’offrent pas d’accès à la planification familiale.

Plusieurs personnes ressources se cachent quelque part derrière la religion pour assimiler la contraception aux interdits de la religion et comme un moyen de promotion de la débauche chez la femme. C’est d’ailleurs l’un des obstacles majeures qui portent un coup dur aux activités de promotion de la PF en Guinée.

Que dit la religion musulmane sur la question de la planification familiale?

Crédit : Wikimédia Auteur : Syrie

Selon El Hadj Mansour Fadiga, imam de la mosquée de Nongo et chroniqueur islamique, interrogé par le djely.com, «l’Islam accepte le principe de la planification familiale, tant que celle-ci ne conduit pas la femme à blesser définitivement son appareil génital de reproduction ».

Certes, dit ce religieux, l’Islam condamne les grossesses hors mariage, considérées comme issues de l’adultère dont la sanction peut aller jusqu’à la lapidation. Mais « si avec la pauvreté, la femme estime qu’il ne faut pas avoir beaucoup d’enfants et qu’elle veuille recourir à des moyens qui peuvent l’aider à ne pas tomber enceinte pour un certain temps, cela, l’islam le permet. Par contre, l’islam ne permet pas à la femme de blesser définitivement son appareil génital de reproduction », explique El Hadj Mansour Fadiga, citant un verset du Coran : « les mères qui veulent donner un allaitement complet allaiteront leur bébé deux ans complets. Au père de l’enfant de les nourrir et de les vêtir de manière convenable ».

Dans le même ordre d’idées, des informations tirées du site (ICFP2022) indique ceci :

« Dans l’Islam, la planification familiale (PF) est principalement abordée dans le contexte du mariage et de la famille. L’islam est une religion qui souligne l’importance de la planification dans toutes les affaires individuelles et sociétales, y compris la planification d’une famille.

Le Coran et la tradition du Prophète (Sunnah) ont été désignés comme le fondement de la loi islamique. Aucun verset du Coran n’interdit au mari ou à la femme d’espacer les grossesses ou d’en réduire le nombre en fonction de leur situation physique ou économique.

Les compagnons du Prophète étaient autorisés à pratiquer le coït interrompu pour prévenir les risques sanitaires, sociaux ou économiques, en plus de préserver le bien-être de la femme et d’améliorer la qualité de la descendance. Les risques sanitaires ne doivent pas nécessairement mettre la vie en danger pour être pris en compte lors de l’utilisation du planning familial.

Les opposants ont attaqué le PF en tirant parti du manque de connaissance de la position de l’Islam à son égard, en prétendant que toute forme de PF viole les intentions de Dieu et que l’Islam appelle à une population musulmane qui ne cesse de croître, et en partant de l’hypothèse erronée que plus la population est nombreuse, plus leur pouvoir est grand.

Les érudits islamiques qui ont étudié la PF ont affirmé que l’islam est une religion de modération et ont souligné le principe de « permissibilité » dans l’islam, c’est-à-dire que tout est permis à moins que le Coran ou la tradition du Prophète (Sunnah) n’en disposent autrement de manière explicite.

La capacité à élever correctement des enfants est une condition inhérente au mariage dans l’islam, qui prône la perpétuation de la nation sur la base de la qualité plutôt que de la quantité.

La planification familiale est une question importante en matière de santé et de développement, ainsi qu’en matière de droits de l’homme. L’islam ne doit pas être considéré comme un obstacle à la réalisation des objectifs de développement des pays et sociétés musulmans et à l’amélioration de la santé de leurs femmes et de leurs enfants. Les textes coraniques et les traditions prophétiques n’interdisent pas l’utilisation de la contraception.

Le fossé entre les musulmans et leur doctrine en matière de PF est attribué à des interprétations erronées qui ont été propagées, en particulier parmi les laïcs.

La sensibilisation à la manière dont l’Islam perçoit et conceptualise la PF et la prise en compte des interprétations déformées et des questions relatives à l’acceptabilité religieuse favoriseront l’adoption des programmes de PF dans les pays musulmans.»

Quelles solutions pour contribuer à promouvoir les droits à la santé sexuelle et de la reproduction ?

Crédit : Wikimédia Auteur : Shoar2

Sans trop se perdre dans la réflexion, des pratiques simples permettent de contribuer de façon considérable à favoriser une nette amélioration de l’accès aux droits à la santé sexuelle et reproductive comme la planification familiale. Ces pratiques peuvent passer par la formation, la sensibilisation, l’amélioration de la gouvernance de la santé et l’application des textes de lois contre les actes de violations des DSSR comme le viol, les MGF/Excision et les mariages d’enfants par exemple.

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